Jacques Darriulat

 

AUTEURS

 

 

Accueil

Introduction à la philosophie esthétique


                Ces conférences ont eu lieu dans le cadre des Mardis de la Philosophie, de septembre à décembre 2010.
            Mise en ligne : mai 2011

 

 

 

ARISTOTE

AUGUSTIN

BALZAC

BAUDELAIRE

CHATEAUBRIAND

DANTE

DELEUZE

DESCARTES

1- Initiation à la philosophie cartésienne :

     a- Le Chemin de la vie

     b- Le doute, révélateur du "je pense"

     c- Du cogito à Dieu

     d- L'idée de la méthode

     e- Fonder la science nouvelle

     f- Le bon usage des passions

2- Discours de la méthode

3- Méditations métaphysiques

4- La Mélancolie

5- Descartes et la musique

DIDEROT

DOSTOIEVSKI

DUBOS

HANSLICK

HEGEL

HEIDEGGER

HOMERE

KANT

KIERKEGAARD

LACAN

MICHEL-ANGE

MONTAIGNE

NIETZSCHE

PASCAL

PLATON

PLOTIN

PROUST

ROUSSEAU

SCHLOEZER

SCHOPENHAUER

SPINOZA

VALERY

WINCKELMANN

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INITIATION A LA PHILOSOPHIE CARTESIENNE

 

IV- L'idée de la méthode

« J'ai formé une méthode par laquelle il me semble
 
que j'ai moyen d'augmenter par degrés ma connaissance »

            Le progrès qui s’est accompli sur le chemin de la méthode, du « je doute » au « je pense » et du « je pense » à « Dieu existe », s’est accompli par la voie de l’analyse, en ce sens qu’il a moins entassé des connaissances successives les unes sur les autres, qu’il a appris à discerner peu à peu l’infinité qui était incluse, dès le commencement, dans l’évidence première. L’attention métaphysique m’a permis d’apercevoir que la lumière mentale et tout intérieure en laquelle s’accomplit l’acte de conscience est issue d’un être infini, dont je ne suis que la créature finie. De même que le rayon de lumière se réfracte en traversant le prisme, et le rayon solaire en traversant le vitrail qui s’illumine dans l’intériorité du sanctuaire, de même la clarté toute puissante qui est active en Dieu réfracte son rayon en parvenant à ma conscience, et produit en mon esprit le point d’évidence, comme une semence de lumière, de la conscience de soi. L’inclusion de l’infinité divine dans l’unité du cogito se découvrait au regard de l’analyse métaphysique en ce sens qu’elle condensait incompréhensiblement la série indéfinie qui réfère la conscience à elle-même (je pense que je pense que je pense…) dans l’infinité actuelle, c'est-à-dire présente en sa totalité, de l’évidence effective de la conscience pour elle-même, ou de la coprésence de la pensée à elle-même en un acte d’aperception.
            Une telle inclusion métaphysique est purement spéculative, en ce sens qu’elle somme en une évidence présente l’antécédence indéfinie d’une pensée contrainte de toujours se réfléchir en un miroir qui la précède. A l’intensité indubitable de cette clarté spéculative, l’analyse, toujours attentive à la vie de l’infini qui fait signe au penseur depuis la rencontre du cogito, en discerne bientôt une autre, peut-être plus concrète, d’une réalité toute métaphysique, en ce sens qu’elle me rend sensible non seulement la puissance infinie de penser qui est en moi le don de la substance divine, mais plus encore la puissance infinie de vouloir, c'est-à-dire d’agir et de créer, que Dieu me communique à chaque instant, me préservant ainsi de ma chute dans le néant. C’est ainsi que la preuve de l’existence de Dieu, telle qu’on la trouve exposée dans la Méditation troisième, et que Descartes lui-même, et les cartésiens à sa suite, nomme « preuve par les effets » (1) – puisqu’il s’agit de comprendre en quel sens le cogito ne saurait être à lui-même sa propre source, mais qu’il est au contraire l’effet d’une cause « éminente », en ce sens qu’elle le dépasse infiniment en puissance – est elle-même double, spéculative et purement réflexive, par l’implication à l’infini du « je pense », mais encore active et créationnelle par cette même implication en tant qu’elle est appréhendée comme résistance infinie à sa dissolution dans la continuité temporelle. Car le cercle de la conscience de soi ne totalise pas seulement l’infinité des réflexions de la pensée sur elle-même, il triomphe encore du Temps qui le dissocie de lui-même, et le rendant toujours autre, le déstabilise indéfiniment en l’empêchant de refermer sa boucle. En effet, si l’on veut parler en toute rigueur, il ne faut pas dire « je pense que je pense », mais plutôt : « en ce moment précis où je pense, je ne peux prendre conscience de ma pensée qu’en la pensant à nouveau, donc nécessairement en un moment second, successif du premier moment qui pense sans penser qu’il pense ». Il faut en conclure que le « je pense que je pense » est nécessairement un « je pense que j’ai pensé », et qu’en conséquence l’œuvre dissolvante du temps décale la pensée en la scindant de sa propre conscience, en dispersant l’évidence indivisible du cogito en une série indéfinie d’instants qui trouvent chacun la raison de lui-même dans l’instant qui le précède. Si tel est le cas, le cristal de l’évidence se brise et s’éparpille, et la nuit du doute envahit irréversiblement le sanctuaire de l’esprit. En ces temps où l’attention métaphysique était extrême, l’objection n’a pas manqué d’être adressée à Descartes, la première fois par un grand philosophe, Hobbes, dont le mécanisme rigoureux repoussait résolument l’autonomie que Descartes reconnaissait à la pensée rationnelle, la seconde par un jeune étudiant de vingt ans, Burman, dont nous ne connaissons que le nom, et qui vint poser humblement au philosophe, qui n’était alors plus qu’à deux ans de sa mort, des questions d’une incroyable perspicacité. Hobbes : « Ce n’est pas par une autre pensée qu’on infère que je pense ; car encore que quelqu'un puisse penser qu’il a pensé (laquelle pensée n’est rien autre chose qu’un souvenir), néanmoins il est tout à fait impossible de penser qu’on pense, ni de savoir qu’on sait ; car ce serait une interrogation qui ne finirait jamais : d’où savez-vous que vous savez que vous savez ce que vous savez, etc. ? » (Pléiade 401) ; Burman, de façon peut-être plus claire encore : « Mais de quelle manière pouvez-vous être conscient, puisque être conscient c’est penser ? Pour penser ceci, que vous êtes conscient, vous passez à une autre pensée, et ainsi, vous ne pensez pas plus longtemps à la chose à laquelle vous pensiez auparavant, et ainsi vous n’êtes pas conscient de penser, mais d’avoir pensé » (Pléiade 1359). La réponse de Descartes est assez renversante : la chose est en effet impossible, c'est-à-dire incompréhensible, puisqu’il faudrait, pour que la pensée ait le temps de se retrouver elle-même dans le cercle de la conscience, que le temps se suspende, qu’il abandonne à la pensée le temps de la réflexion. Or, il en va bien ainsi : l’évidence métaphysique du cogito démontre par le fait que la pensée dure en se réfléchissant elle-même, qu’elle s’affranchit de la continuité, c'est-à-dire de la divisibilité à l’infini, de la succession temporelle, et qu’elle peut donc s’apercevoir elle-même en un intervalle d’éternité au sein duquel la pensée de la créature, bien que plongée dans la temporalité, trouve la force de s’en extraire et d’émerger dans la clarté de la conscience. C’est ainsi que l’analyse discerne, dans le seul acte de penser, une force qui l’emporte sur le temps et sur la mort, qui a le pouvoir plus qu’humain de subsister en elle-même et de persévérer contre sa dissolution temporelle. Descartes répond à Burman : « Etre conscient, c’est assurément penser et réfléchir sur sa pensée, mais que cela ne puisse se faire sans que subsiste la pensée précédente, c’est faux, parce que, comme nous l’avons déjà vu (2), l’âme peut penser plusieurs choses en même temps, persévérer dans sa pensée, et toutes les fois qu’il lui plaît réfléchir sur ses pensées, ainsi, être consciente de sa pensée » (Pléiade 1359). Il y a donc un présent de la pensée, c'est-à-dire un intervalle de présence en lequel l’esprit se retrouve lui-même dans l’acte de conscience, et résiste victorieusement à sa dissolution dans l’écoulement continu du temps. Augustin (Confessions, livre XI) avait déjà mis en lumière le paradoxe du présent, qui réussit en quelque sorte à enfoncer le coin de l’être dans le néant de la temporalité. Si je représente en effet le temps, comme le fait si volontiers l’imagination, par une droite infinie, et le présent par un point, alors, entre la demi-droite du passé et la demi-droite de l’avenir, il ne reste rien pour l’ici ni pour le maintenant. Il y a pourtant quelque chose que je nomme le présent, qui ne se réduit pas à la pure évanescence de l’instant, et qui est nécessairement doué d’une durée propre, puisque constamment j’en fais l’expérience, puisque je prends, chaque fois que mon esprit y fait attention, conscience de cette durée intime qui me fait présent au monde comme à moi-même, et me sauve du néant, en lequel à la limite doit nécessairement disparaître l’instant de durée nulle. Ainsi le présent dure (combien de temps ? Essayez de mesurer…), assez pour que l’esprit en moi prenne conscience de la pensée qui est en lui, mais d’une durée qui ne saurait être mesurée par le temps, puisqu’elle est d’un ordre radicalement différent et, en tant qu’elle est cet intervalle en lequel la pensée demeure coprésente à elle-même, appartient davantage à l’éternité qui demeure auprès d’elle-même, qu’au temps qui se disperse et s’épuise dans la continuité de son écoulement. Il existe donc une sorte d’atome métaphysique que le temps lui-même ne réussit pas à diviser, un cristal spirituel qui résiste au clivage du temps, une sorte d’unité ontologique dont l’intuition du cogito me fait prendre conscience, qui a la force de m’établir dans l’être et me sauve de mon engloutissement dans le néant. Cette force, moi qui éprouve la passion du temps dans la mélancolie et l’ennui, et dans l’angoisse de l’agonie, elle ne saurait être mienne : comment trouverais-je en moi la force de triompher ainsi de la mort ? Seul un Dieu infiniment créateur, c'est-à-dire instituteur de l’être même, est en mesure de défier ainsi la mort même – « O mort, où est ta victoire ? » (Paul, I Cor. XV, 55) – et de me rétablir dans l’existence dans ce présent que le temps me refuse, le temps en lequel le « je pense » sombrerait irrémédiablement dans le néant si un Dieu Sauveur ne m’accordait miraculeusement le sursis de la conscience.
            Je comprends désormais combien le cogito, ce rescapé du néant, est la créature d’un Créateur tout puissant qui me donne miraculeusement l’existence contre le temps qui la nie. Aussi ne dois-je pas dire : « Je pense que je pense », mais plutôt : « En ce présent, en chaque moment présent incompréhensiblement continué, par une sorte d’incompréhensible prolongation du sursis de l’existence, Dieu, c'est-à-dire cette puissance infinie qui est capable de susciter l’être du néant, me crée et me recrée, me soutenant miraculeusement dans l’existence, me maintenant dans l’éternité de la pensée, et me sauvant du naufrage, de la liquidation de la conscience de soi dans l’eau courante du temps ». A l’inverse de la matière, ou substance étendue, que la physique cartésienne pose divisible à l’infini, la conscience, ou substance pensante, résiste  à sa pulvérisation par l’acte d’une création métaphysique qui lui donne l’existence. Car ce n’est pas à mes parents que je dois la vie, eux qui l’ont reçue de leurs parents, mais à une puissance infinie qui fait surgir l’être du néant, et qui, en chacun de mes présents, me rétablit dans l’être, me produit et me recrée : « Car tout le temps de ma vie peut être divisé en une infinité de parties, chacune desquelles ne dépend en aucune façon des autres ; et ainsi, de ce qu’un peu auparavant j’ai été il ne s’ensuit pas que je doive maintenant être, si ce n’est qu’en ce moment quelque cause me produise et me crée, pour ainsi dire, derechef, c'est-à-dire me conserve » (Méd. III ; Pléiade 297). Descartes effectue ainsi une sorte de décomposition cinématographique de la continuité temporelle : à l’illusion du temps,  il substitue la succession discrète de tableaux fixes, par laquelle la pensée comme la matière sont à chaque moment rescapées de leur engloutissement dans le temps. La variation différentielle qui, perpétuellement, recommence l’acte de la création, obéit toutefois à une loi invariante, qui veut que quelque chose se conserve en cette constante différenciation, soit la quantité de mouvement pour la substance étendue, et l’acte de la pensée pour la substance pensante, en raison du principe que l’inconstance est indigne de la sagesse de Dieu, et qu’un Dieu qui veut l’être ne saurait créer un monde chaotique. C’est ainsi que le miracle de la création continue – l’acte de la conservation n’est pas essentiellement différent de celui de la création, puisque l’un et l’autre affirment également, à tout moment, l’être contre le néant (3) – me maintient dans un présent toujours renouvelé qui est comme le premier matin du monde, et m’installe pour ainsi  dire à demeure dans le fiat lux de l’origine. Dieu me maintient dans l’existence comme le soleil me maintient dans le jour, et je retomberais aussitôt dans le néant si la cause qui me donne l’être cessait d’être effective, de même que je sombrerais dans les ténèbres si le soleil ne m’éclairait plus de ses rayons (4).
            Je discerne donc deux chemins qui conduisent du cogito à Dieu, comme de l’effet à la cause ou de la lumière à sa source : le premier, que l’on peut dire spéculatif ou même contemplatif, rassemble la série indéfinie de la pensée référée à elle-même (« je pense que je pense ») dans la clarté actuelle de la conscience. L’évidence métaphysique apparaît alors aux yeux de l’entendement, qui est cette faculté de mon esprit qui a pouvoir de voir, et de voir qu’elle voit, l’idée qu’il considère avec attention. Il faut ainsi concevoir l’entendement comme une sorte d’appareil optique spirituel, qui discerne son objet avec d’autant plus de clarté et de distinction qu’il concentre son attention sur un point mieux défini et limité : l’entendement pose l’âme sur le point d’évidence vers lequel elle tourne son regard, il arrête la pensée dans le suspens de l’attention. Mais l’autre chemin qui conduit du cogito à Dieu rassemble le temps de la pensée, et celui de la réflexion de cette pensée sur elle-même (« je pense que j’ai pensé »), dans le présent de la conscience, effet de la création continue d’un Créateur tout puissant qui, dans le moment du présent, me donne l’être et me sauve du néant. La première intuition du cogito voit, avec les yeux de l’entendement, la lumière réfractée de l’infinité divine pénétrer et inonder l’intériorité de la conscience ; mais la seconde intuition du cogito ressent l’activité créatrice d’un Dieu qui me recrée dans un présent perpétué. La puissance qui m’est alors communiquée, et que je perçois comme étant la cause de l’évidence de la pensée pour elle-même, la force infinie qui la fait toujours renaître, donne à l’esprit une impulsion qui appartient à la volonté plutôt qu’à l’entendement : soulevé par l’acte créateur dont la conscience est en moi l’effet toujours recommencé, j’éprouve le désir de participer à cette vie infinie, à cette effectivité créatrice par laquelle le divin se fait présent à mon esprit, et mesurant l’abîme infini qui sépare l’être absolu qui est en Dieu de l’être relatif et nécessairement limité qui est en la créature, je veux accroître la force avec laquelle se manifeste en moi l’acte de l’existence. Le cogito de l’entendement marque le pas et suspend sa marche, attentif à la seule clarté qui l’inonde et le sauve du doute hyperbolique ; mais le cogito de la volonté communique à l’esprit la force de vouloir être davantage, c'est-à-dire d’intensifier la lumière spirituelle qui lui donne accès à l’être, puisque c’est seulement par la clarté de l’évidence que le vrai sens du verbe être, que le doute avait rendu bien problématique, m’a été révélé. L’entendement discerne, dans l’abîme du cogito, une infinité d’attention, ou de contemplation, qui fixe l’esprit sur le point d’évidence ; mais la volonté éprouve, dans le même abîme, une infinité de motivation, d’action et de création, en laquelle l’âme aperçoit le fiat lux qui lui donne l’existence, le miracle d’une création continue qui lui communique, perpétuellement renouvelé, l’élan de l’exister. La pensée n’est pas seulement regard, elle est encore désir, et se porte toujours vers un supplément d’être. Ego sum, ego existo, s’exclame le penseur de la deuxième Méditation : « Il faut conclure et tenir pour constant que cette proposition : Je suis, j’existe, est nécessairement vraie toutes les fois que je la prononce, ou que la conçois en mon esprit ». Le cogito de l’entendement me fait comprendre, pour la première fois et en révolutionnant la perspective confuse de l’opinion, qui doutait de l’existence de l’esprit et se croyait assurée de celle du phénomène sensible, en quel sens « je suis ». Mais si Descartes ajoute aussitôt « j’existe », marquant ainsi par là une différence entre l’être et l’exister, entre l’essence et l’existence, c’est en ce sens que l’existence implique le projet de sortir de soi pour se porter plus loin (ex-sistere : sortir de la place où l’on se tient), et que si l’entendement, en sa pointe, touche l’être par l’expérience spirituelle de l’évidence, c’est la volonté qui prenant appui sur ce point d’Archimède, soulève l’esprit et le lance à la recherche de la vérité, et de l’accroissement de sa science. L’entendement touche à l’être tandis que la volonté me porte dans l’existence. Et c’est pourquoi Descartes ajoute que l’évidence du cogito est vraie « toutes les fois que je la prononce », car toute concentrée sur le point du présent, elle ne sait pas se projeter dans l’avenir, c'est-à-dire exister, puisqu’elle n’a pas encore reconnu, dans le « je pense que je pense » l’activité créatrice qui transforme le « je pense que j’ai pensé » dans l’affirmation d’une existence pleine et actuelle. Tant il est vrai que le cogito, tel que l’analyse peu à peu me le découvre, est moins un « je pense que je pense », qu’un « Dieu m’insuffle actuellement la puissance d’exister, et me donne la force de l’accroître indéfiniment ». C’est ainsi que le cogito fait signe vers un Dieu d’une activité infinie, et perpétuellement créateur, comme si, en touchant du doigt cette évidence, je prenais contact avec une source d’énergie infinie qui me communiquait quelque chose de sa toute-puissance, et insufflait dans le néant du doute la force prodigieuse de l’existence, par un miracle que je peux sans doute savoir (j’aperçois clairement et distinctement la présence en moi de la pensée), mais que je ne saurais jamais comprendre (cette proposition indubitable est un fait métaphysique, et nullement une proposition qu’un raisonnement pourrait conclure) : « Je dis que je le sais, et non pas que je le conçois ni que je le comprends. Car on peut savoir que Dieu est infini et tout-puissant, encore que notre âme étant finie ne le puisse comprendre ni concevoir ; de même que nous pouvons bien toucher avec les mains une montagne, mais non pas l’embrasser comme nous ferions un arbre, ou quelque autre chose que ce soit, qui n’excédât point la grandeur de nos bras ; mais pour savoir une chose, il suffit de la toucher de la pensée » (à Mersenne, 27 mai 1630). Ainsi le Dieu de Michel-Ange éveille, du bout de l’index, dans l’âme et le dans le corps d’Adam, l’insurrection de la vie.
            Je comprends alors que l’âme, bien qu’une et indivisible (puisque l’essence de la substance pensante, à l’inverse de la substance matérielle, apparaît en une unique intuition intellectuelle), est pourtant composée de deux facultés, qui sont en vérité les deux modalités de la même substance selon qu’on la considère comme essence (entendement) ou existence (volonté) : l’entendement, qui est l’esprit se posant avec attention sur le point d’évidence, et la volonté, qui est l’esprit ne se contentant pas du savoir obtenu, et qui se porte aussitôt vers un supplément de savoir, qui est aussi une augmentation de son être. C’est ainsi qu’au contentement de l’entendement, qui se concentre sur l’objet fini de son savoir actuel, s’ajoute le désir infini de la volonté, qui toujours veut savoir et être davantage, sans qu’il soit possible d’assigner des bornes à ce désir, et que c’est en conséquence la volonté, qui en nous aspire à l’infini, qui est plus digne de Dieu que l’entendement, qui jouit certes de la plénitude de la connaissance (plénitude refusée à la bête, qui ne pense point) mais, toute concentrée en ce présent du savoir, n’éprouve pas le besoin d’un avenir. C’est donc par la volonté plus encore que par l’entendement que Dieu fit la créature à son image : « Il n’y a que la seule volonté, que j’expérimente en moi être si grande, que je ne conçois point l’idée d’aucune autre plus ample et plus étendue : en sorte que c’est elle principalement qui me fait connaître que je porte l’image et la ressemblance de Dieu » (Méd. IV, Pléiade 305). Il n’y a que la volonté qui soit en moi infinie, tant il est vrai que je ne saurais poser des limites à mon appétit d’existence, et que le désir d’être davantage est en moi si grand qu’il ne saurait vraiment se satisfaire que de cet être immense et absolu qui n’est qu’en Dieu : « La volonté en quelque sens peut sembler infinie, parce que nous n’apercevons rien qui puisse être l’objet de quelque autre volonté, même de cette immense qui est en Dieu, à quoi la nôtre ne puisse aussi s’étendre » (Principes, I, § 35 ; Pléiade 586). Ce pourquoi je discerne mieux désormais ce que c’est en moi que le vouloir : les hommes en effet croient vouloir le pouvoir, la richesse, la longévité, alors qu’en vérité ils ne veulent qu’être davantage, c'est-à-dire ressentir en eux avec une intensité toujours croissante, amplifier indéfiniment cette première actualisation de l’être qui s’est fait jour dans l’âme avec le point d’évidence du cogito. C’est donc en augmentant mon savoir, en progressant sur la voie des Lumières, en enrichissant le trésor intérieur de la lumière naturelle, que je pourrais assouvir  le désir infini de l’existence qui soulève mon âme. Ainsi s’ouvre devant moi la voie d’une méthode, qui décloisonne le cogito et pratique dans le cercle de la conscience une brèche qui donne sur l’infini, et fait de l’être absolu qui est en Dieu l’objet de la volonté de la créature, dont l’existence est pourtant toujours, quelque grande soit son extension, finie et limitée. Et cette évasion qui porte l’esprit au-delà des limites du seul cogito est d’autant mieux fondée, que l’hypothèse d’un Malin Génie tout-puissant qui emploierait toute son industrie à me tromper n’est plus qu’un épouvantail qui ne saurait faire obstacle à la progression de l’entendement entraîné par la force motrice de la volonté vers un supplément d’être, sans qu’il soit possible d’assigner une limite à cet élan qui motive l’esprit. La première preuve par les effets, qui ne considère que l’effet spéculatif de l’évidence de l’entendement, et non l’effet créationnel du dynamisme de la volonté, m’a permis de comprendre que ce que je nomme Dieu n’est autre que la clarté infinie et actuelle de l’évidence (à l’inverse, l’infini de la volonté n’est que potentiel et jamais actuel), et qu’il ne suffit donc pas de dire que Dieu est vérace, qu’il faut ajouter qu’il est la véracité elle-même, et que le Dieu de Descartes s’identifie avec l’intense clarté de l’indubitable. Dieu des philosophes et des savants, et non Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Je peux donc sans risque, à condition toutefois de ne m’en tenir qu’à ce que l’entendement perçoit avec clarté et distinction, par un acte d’évidence, me risquer au-delà du cogito et arpenter le chemin vers lequel s’élance déjà, en son impatience d’être davantage, la volonté qui est en moi : « Et déjà il me semble que je découvre un chemin qui nous conduira de cette contemplation du vrai Dieu (dans lequel tous les trésors de la science et de la sagesse sont renfermés) à la connaissance des autres choses de l’Univers » (Méd. IV, Pléiade 301).
            Ce chemin, cette méthode, qui ouvre devant la pensée la voie d’un accroissement infini, de l’amplification illimitée de la force en moi de l’exister, il me faut une boussole, à la fois une discipline et une orientation, avant de m’aventurer en lui. Car l’impétuosité de la volonté, qui est en moi infinie comme en Dieu, dans le désir qui la soulève d’être toujours davantage, pourrait bien se précipiter et, victime de son avidité d’exister, prendre du fer ou du cuivre pour de l’argent ou de l’or. Il importe donc de régler le pas de l’esprit sur le chemin de la méthode, de façon que la vision de l’entendement soit la plus claire et distincte qu’il est possible, et l’élan de la volonté le plus ardent et le plus infatigable qu’il est possible. Si je me penche rétrospectivement sur le parcours accompli, depuis la résolution de douter jusqu’à l’évidence qui est maintenant en mon esprit de la toute puissance d’un Dieu universellement créateur, je constate que le pas-de-deux de l’entendement et de la volonté a rythmé depuis toujours ma démarche : lorsque le penseur prend la résolution de douter, il fait l’expérience cruelle du peu de vérité sur lequel son entendement peut prendre appui pour se convaincre qu’il ne voue pas son existence au simulacre et au semblant ; pourtant, cette faiblesse de l’entendement est comme équilibrée par l’extrême détermination de la volonté, décidée quelque en soit le prix à traquer la vérité, et à poursuivre l’épreuve du doute jusqu’en sa pointe la plus hyperbolique, doutant de tout ce qu’il est possible de soupçonner de fausseté, et non seulement de ce qu’on a démontré effectivement être faux. Au point le plus bas de la pente du doute, l’équilibre entre les deux modalités de l’esprit se renverse : la volonté se déprime de ne pas rencontrer un point qui fut fixe et assuré, elle sombre dans la mélancolie comme dans une eau très profonde, sans planche de salut qui pourrait assurer son élan ; c’est alors l’entendement, en ce seuil extrême du doute, qui rétablit l’équilibre, en fournissant à la volonté le point d’évidence du cogito ; la volonté veut alors à nouveau, réconfortée par cette première découverte, se lancer au-delà, mais le Malin Génie l’abat dès qu’elle entreprend de sortir des limites de la seule conscience de soi ; c’est alors à nouveau l’entendement qui vient au secours de la volonté désarmée, en discernant, par la voie de l’analyse, au sein même du cogito, le signe lumineux d’un Dieu omniscient (essence), et plus encore l’acte créateur d’un Dieu tout puissant (existence) ; la volonté, désormais libérée du joug du Malin Génie, en droit maintenant d’affirmer un désir d’exister aussi grand en elle (où il n’est que potentiellement) qu’en Dieu (où il est actuellement), se lance sur le chemin du savoir dont le cogito est le point de départ, et le savoir absolu qui n’est qu’en Dieu l’asymptote toujours désiré. Pourtant, de cet alpha à cet oméga la distance est infinie, et la volonté, pour affronter cette tâche qui excèdera toujours et nécessairement toute connaissance effectivement accomplie, est sans arme et sans méthode. Où doit-elle se diriger ? A quelle maxime doit-elle obéir pour ne pas de nouveau tomber dans l’erreur ?
            Car c'est un fait : il m’arrive de me tromper, et l’erreur menace le progrès de mes connaissances. Ce fait n’avait rien d’admirable, il était même rigoureusement nécessaire, tant que je pensais sous l’empire du Malin Génie. Mais désormais que je sais de Dieu, non qu’il est cause de vérité, mais qu’il est la puissance même du vrai tel qu’il s’est manifesté à moi par l’évidence ponctuelle du cogito, et maintenant par l’incompréhensible, et pourtant tout aussi évidente, activité infinie qui est en lui et qui me donne l’être et l’existence, pour moi qui baigne maintenant dans cette éblouissante lumière (5), comment peut-il se faire que je me trompe ? Dieu serait-il à nouveau trompeur ? Et comment pourrai-je me tromper si celui qui cause à chacun des moments de mon présent mon existence même, ne voulait pas effectivement que je me trompe ? Dans la nuit du Malin Génie, seule l’étoile du cogito faisait de la lumière ; mais dans le jour intense de la création continue du Dieu de vérité, la possibilité de l’erreur marque un point de ténèbre que rien ne justifie ni n’explique, et qui semble même objet de scandale dans l’universelle véracité dont le créateur, perpétuellement, me gratifie. Si je me trompe, car c’est un fait qu’il m’arrive de me tromper, la faute ne peut en revenir à Dieu, mais à la seule liberté de la créature qui n’use pas convenablement de l’appareil spirituel dont l’a doté son créateur pour que, le long du chemin de sa méthode, elle réussisse à discerner le vrai du faux, et progresse ainsi toujours davantage sur la voie qui s’oriente vers l’existence infinie qui seule est en Dieu.
            Il me vient alors à l’esprit que le Créateur m’a accordé de progresser librement sur le chemin que son activité infinie et son omniscience orientent, et que l’infini n’est en moi qu’en puissance, alors qu’il est en acte en Dieu lui-même. Il m’appartient donc de réaliser l’accroissement de mon être par la thésaurisation des évidences qui composeront peu à peu l’édifice de la science, ce pouvoir de progresser indéfiniment étant non une perfection, mais une imperfection au contraire en regard de la science achevée, du savoir absolu qui ne demeurent qu’en Dieu même. Et puisque je suis libre de progresser par mes propres facultés sur cette voie, encore dois-je apprendre à utiliser sciemment des facultés qui sont en mon pouvoir de connaître, desquelles je sais déjà qu’il en est principalement deux, qui sont les deux modalités d’une même substance, dont l’attribut est la pensée, et qui sont l’entendement et la volonté, selon qu’on considère cette substance selon son essence ou selon son existence. Il est bien évident qu’un tel divorce ne saurait avoir lieu en Dieu, puisqu’un être tout parfait est entièrement contenu, si l’on peut ainsi parler de l’infini, en son essence, et qu’il ne saurait à la rigueur exister, c'est-à-dire se porter au-delà de lui-même, puisqu’il est à lui seul tout l’être. En Dieu seul entendement et volonté ne font qu’un seul acte ; mais cette unité, qui est celle de l’efficience infinie de la causation divine, se réfracte dans la créature, qui devient et s’accomplit progressivement, par l’acte de la volonté qui la fait exister, et par le discernement de l’entendement qui lui donne l’appui, nécessairement fini et limité, de l’être qui se signale par l’évidence. En cette différence infinie, de l’oméga à l’alpha, de Dieu à la chose qui pense, du Créateur à la créature, il n’y a rien qui puisse être objet de récrimination, car si Dieu avait fait la créature à l’égal de lui-même, il se serait contredit en tant qu’être suprême et unique, et se serait ainsi nié lui-même. Je ne peux donc récriminer devant Dieu de ce que l’entendement et la volonté se dissocient en moi, ni de ce que, dans la créature, l’infini en acte de l’évidence soit nécessairement distinct de l’infini en puissance de la volonté. Je ne peux davantage réclamer auprès de mon créateur un entendement qui soit plus perspicace que le mien, puisque j’ai expérimenté dans les Méditations précédentes combien l’entendement créé est apte à percevoir l’être par la saisie de l’évidence, qui est la parfaite coïncidence de la pensée avec elle-même ; je ne saurais non plus me plaindre de la volonté dont on sait qu’elle est en moi aussi immense qu’elle est en Dieu, bien que son infinité ne soit qu’un indéfini, au lieu de l’infini qui n’est actuel, c'est-à-dire pleinement réalisé, qu’en Dieu. Il m’apparaît alors que, bien qu’en mon être créé l’existence soit aussi parfaite qu’elle peut être, la possibilité de l’erreur s’insinue entre l’évidence nécessairement finie de l’entendement et l’extension nécessairement infinie de la volonté. Et je comprends que si le créateur laisse la créature libre d’accroître par l’effort de sa propre volonté l’intensité de l’existence qu’il entretient et conserve en elle, il m’appartient en revanche de faire fructifier cette liberté, et d’apprendre à en user. Car il y a bien de la différence entre le libre arbitre, qui n’est que liberté d’indifférence, c'est-à-dire incertitude de la volonté privée de la lumière de l’évidence, et la liberté effective, qui marche d’un bon pas sur le chemin de la méthode, soutenue par la connaissance que l’entendement lui apporte, progressant ainsi sur le chemin de la vérité sans s’égarer sur les bas côtés de l’erreur toujours possible. En sorte que la véritable liberté consiste en la joie qu’éprouve la volonté de se porter dans la direction que le savoir lui indique, et d’être ainsi déterminée par les lumières de l’entendement, et non d’errer à son gré, sans guide ni orientation, dans les chemins où sa fantaisie, ou son caprice, l’égare. En sorte que je suis d’autant plus libre que je suis mieux déterminé à agir au nom de la vérité, et non à agir vainement pour agir, sans que mon entendement ne vienne éclairer cette marche : « De façon que cette indifférence que je sens, lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d’aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait plutôt paraître un défaut dans la connaissance, qu’une perfection dans la volonté ; car si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai et ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement et quel choix je devrais faire ; et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais être indifférent » (Méd. IV, Pléiade 305).
            L’éventualité en moi de l’erreur procède donc du pas-de-deux de la volonté et de l’entendement, qui ne s’accordent point nécessairement au rythme de la connaissance, selon la scansion nécessaire du progrès de la méthode, qui doit prendre appui sur la brève de l’évidence pour se porter ensuite sur la longue de la volonté. Au lieu de cette marche harmonieuse, il se peut que les deux modalités de la substance pensante se dissocient et divorcent, que l’emportement de la volonté se précipite sur des chimères, comme Don Quichotte sur des moulins à vent, et que la patience de l’entendement s’attarde à jouir des connaissances acquises, ou pis : résiste à la réfutation de ce qui passait depuis longtemps pour certitude, comme le fait volontiers Sancho Panza, qui s’en tient à la sagesse des nations, et entrave ainsi le progrès de la volonté. L’entendement porte toute son attention sur l’évidence qui témoigne à ses yeux de la réalité de l’être, et la volonté se porte aussitôt au-delà pour en savoir et pour être davantage. La conjugaison des deux facultés évoque l’assemblage précaire d’un cul de jatte, qui ne progresse pas mais qui a de bons yeux, juché sur les épaules d’un aveugle, qui ne sait pas discerner ce qu’il a devant lui, mais qui a de bonnes jambes. Ce couple métaphysique, il n’est pas interdit en effet d’en voir l’image dans les très célèbres personnages de Cervantès : Don Quichotte ardent, figure ascétique de la pure volonté, toujours prêt à se lancer dans les quêtes les plus folles, inconsolable du Graal et des romans de chevalerie ; et Sancho Panza, ventru et content de lui, satisfait de la réalité présente, image du bon sens populaire qui est sans doute, aux yeux de Cervantès comme à ceux de Descartes, l’ersatz peu satisfaisant de la véritable sagesse. C’est ainsi que, privée des lumières de l’entendement, la volonté devient folle, et que privé de l’ardeur de la volonté, l’entendement s’embourgeoise dans le contentement des certitudes acquises. Ce pourquoi il m’apparaît maintenant clairement qu’il y a deux causes, et seulement deux causes d’erreur, dont la première est la prévention de l’entendement, qui s’accroche à ses certitudes et fait obstacle à la reconnaissance de l’évidence, et la seconde la précipitation de la volonté qui, emportée par la divine ardeur qui lui fait désirer l’accroissement de ses connaissances, prend parfois des vessies pour des lanternes et donne valeur de vérité à ce qui n’en a que l’apparence. Il me suffit donc, pour bien conduire ma raison et chercher comme il faut la vérité dans les sciences, de discipliner mon entendement à n’accorder son assentiment qu’à ce dont il a une connaissance claire et distincte, et de réfréner l’élan de ma volonté à ce qu’il m’est effectivement possible de connaître, selon les raisons que l’entendement a déjà éclairées en moi ; car « la lumière naturelle nous enseigne que la connaissance de l’entendement doit toujours précéder la détermination de la volonté » (Méd. IV, Pléiade 307). La bonne discipline de la méthode est donc un exercice de la patience et de l’attention, la première pour modérer le pas de l’impatiente volonté, la seconde pour affûter le regard de l’entendement et le concentrer sur le seul point de l’indubitable évidence. Ainsi muni de ce viatique, je peux désormais me mettre en route pour l’aventure dont la divinité elle-même trace le chemin sous les pas de sa créature, la recherche de la vérité, unique archétype et universel modèle de tous les trésors cachés dont les aventures d’imagination, non de raison, se mettent en quête. Car le plus beau trésor n’est pas au bout du monde, il illumine mon intérieur, il est en moi-même la lumière naturelle au sein de laquelle l’idée vraie se laisse apercevoir.

 

NOTES

1- Premières Réponses : « … il n’y a que deux voies par lesquelles on puisse prouver qu’il y a un Dieu, savoir : l’une par ses effets, et l’autre par son essence, ou sa nature même » (Pléiade 358) ; Quatrièmes Réponses: « Car il est certain que la principale force non seulement de ma démonstration, mais aussi de toutes celles qu’on peut apporter pour prouver l’existence de Dieu par les effets, en dépend entièrement. Or presque tous les théologiens soutiennent qu’on n’en peut apporter aucune, si elle n’est tirée des effets » (Pléiade 460) ; au Père Mesland, 2 mai 1644 : « Ainsi que c’est un effet de Dieu de m’avoir créé, aussi en est-ce un d’avoir mis en moi son idée » (Pléiade 1163).

2- Allusion à une réponse précédente de Descartes : « Que la pensée ne puisse concevoir qu’une chose en même temps, cela n’est pas vrai ; elle ne peut à la vérité concevoir en même temps beaucoup de choses, mais tout de même plus d’une : par exemple, présentement je conçois et je pense en même temps que je parle et que je mange » (Pléiade, 1358).

3- « La conservation et la création ne diffèrent qu’au regard de notre façon de penser, et non point en effet » (Méd. III, Pléiade 297).

4- « Le soleil est la cause de la lumière qui procède de lui, et Dieu est la cause de toutes les choses créées, non seulement en ce qui dépend de leur production, mais en ce qui concerne leur conservation ou leur durée dans l’être. C’est pourquoi il doit toujours agir sur son effet d’une même façon pour le conserver dans le premier être qu’il lui a donné » (Cinquièmes Réponses, Pléiade 492).

5- « Il me semble très à propos de m’arrêter quelque peu à la contemplation de ce Dieu tout parfait, de peser tout à loisir ses merveilleux attributs, de considérer, d’admirer et d’adorer l’incomparable beauté de cette immense lumière, au moins autant que la force de mon esprit, qui en demeure en quelque sorte ébloui, me le pourra permettre » (Méd. III, Pléiade 300).

Pour lire la suite (« Fonder la science nouvelle »), cliquer ICI