Jacques Darriulat

 

ESSAIS

 

 

 

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Introduction à la philosophie esthétique


    Première mise en ligne : 16-3-2021

 

 

 

PETIT ECHANGE AVEC CHATGPT

ETRE ET EXISTER

ENSEIGNER LA PHILOSOPHIE

ESTHETIQUE DE L'ABSTRACTION

PRINCIPES DE PHILOSOPHIE ESTHETIQUE

LA PEINTURE HOLLANDAISE AU SIECLE D'OR

LES FANTOMES DE L'OPERA

ON DEVRAIT DIRE...

QU'EST-CE QUE LE NEOREALISME ?

LA STAR, LA VIVANTE ET LE SANS POURQUOI

ESTHETIQUE DU PARADIS TERRESTRE (1)

LE REALISME SELON CEZANNE

NOTE SUR WITTGENSTEIN

ENTRETIEN

CEZANNE ET LA FORCE DES CHOSES

MANTEGNA : ANCIENS ET MODERNES

LE TABLEAU ET LE MIROIR

LE JARDIN A LA FRANCAISE

REMBRANDT, BETHSABEE

PHILOSOPHIE ET RHETORIQUE

LES RELIGIONS DU LIVRE

DU CARACTERE A LA CARICATURE

QUELLE VANITE QUE LA PEINTURE...

LES GROTESQUES

LE ROSSIGNOL ET LA DIVA

LA STATUE AMOUREUSE

L'INTERPRETATION DE L'OEUVRE D'ART

DE L'IDEE DU BEAU A L'ESTHETIQUE

CARAVAGE ET L'OPERA

 

 

 


APHORISMES

 

Le temps est la patience de l’éternité.

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La vie est une histoire déchirante.

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Il faut laisser sa chance au hasard !

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Les ouvriers typographes sont d’une grande sagesse : ils nomment « signe » le blanc qu’on laisse entre les mots.

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Hissé péniblement au sommet de la montagne, le rocher s’immobilise quelques instants, par la grâce de son équilibre, puis dévale la pente. Sisyphe se retient bien de le suivre. Enfin heureux, et respirant l’air vif des cimes, il s’allonge dans l’herbe tendre, le dos sur la terre et les yeux dans les cieux. Sisyphe sourit en rêvant dans l’azur.

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Il y a poésie chaque fois que les mots pensent mieux que celui qui les prononce.

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Les petits ne savent pas que les grands ne savent rien.

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Un homme n’est pas la somme de ses actes : il est le fruit de ses victoires !

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L’Enfer, c’est le Ciel descendu sur la terre.

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Le Malade Imaginaire occupe toute la scène. Mais la santé aussi a ses névroses. De l’hypocondriaque ou de l’hygiéniste, le plus fou des deux me semble encore le second.

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Nous n’avons pu connaître le monde qu’à partir du moment où nous avons renoncé à le comprendre.

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La Terre est un tambour, et les jambes des marcheurs sont les baguettes qui font résonner cette caisse divine.

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La politique est une chose trop importante pour qu’on la confie aux seuls politiciens.

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Il faut que le hasard soit artiste pour avoir fait qu’étreinte soit anagramme d’éternité.

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Un homme qui se suicide me fait l’effet d’un mathématicien qui fermerait le livre sans avoir trouvé la solution du problème.

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Je meurs enseveli seul au fond d’un puits profond de quatorze milliards d’années-lumière.

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L’Histoire est un roman qui entreprend de réécrire l’encyclopédie sans passer par l’arbitraire de l’ordre alphabétique.

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Je comprends avec l’âge combien je suis demeuré plus fidèle à moi-même que je n’aurais jamais osé le penser.

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Le père est celui qui n’est pas le fils. Or, il faut nécessairement être fils avant d’être père. Il n’est donc pas de père en ce monde.

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Dieu n’est pas mort : il est absent, il s’est fait porter pâle.

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Après la griserie, la grisaille.

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Qu’est-ce que l’intelligence? C’est le trait par lequel chacun se croit en droit de se juger supérieur aux autres.

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On devrait dire « aimé » et non « amant », puisque l’aimant est celui qui attire (le fer, par exemple), non celui qui est attiré. On a pourtant raison de dire « amant », tant il est vrai que seul est aimé celui qui aime lui-même. L’aimant n’aimante que parce qu’il est amant aimant.

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Une vie qui a du sens est une vie qui produit du sens.

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Il est vain de chercher une raison de vivre puisque le bonheur est sans pourquoi.

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Le désir de paraître intelligent est le plus court chemin qui conduit à la bêtise.

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Seuls les morts-vivants se croient immortels.

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Dans l’espace infini, file le point d’incandescence du présent.

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Ce qu’on appelle l’âme, c’est, je crois, l’extrême proximité d’un corps. Elle se découvre à nos yeux quand, dans l’éclair du miracle, s’abolit la Distance.

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Nous ne connaissons Dieu que par son absence. Sa présence n’advient jamais.

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Le langage commence avec le désir de prendre la parole, et le désir de prendre la parole n’est bien souvent que le désir d’en priver les autres.

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Symptôme du narcissisme : un autoportrait n’est jamais une caricature. La caricature est toujours le portrait des autres.

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Ce que nous reprochons surtout aux autres, c’est la lâcheté dont nous avons fait preuve envers eux.

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Les vieillards sont avares : on leur prend ce qu’ils sont, qu’on ne leur prenne pas du moins ce qu’ils ont !

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Le miroir ne réfléchit que les yeux ; seul le tableau réfléchit le regard.

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Le philosophe pense ce que le poète dit.

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La plus grande ruse du diable, c’est de nous faire croire en son existence.

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A l’impassible nul n’est tenu.

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Notre condition est un tel non-sens que les hommes n’ont rien trouvé de mieux que de défier la mort par le culte de l’exploit, et les femmes d’esquiver la vie par la mystique de l’amour. Il n’est rien de si périlleux que de simplement vivre.

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La politique n’est, au mieux, que l’art d’accommoder l’inéluctable.

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La peinture rend présent l’absent ; la musique rend présente l’absence même, elle la rend pour ainsi dire palpable.

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Le charme de l’amour est redoutable : il réussit à nous persuader – quelque temps – qu’il serait possible de ne pas mourir seul.

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Le philosophe est un prêtre mis au chômage par la mort de Dieu.

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C’est peu aimer la Terre que la vouloir semblable au Ciel.

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Un grand philosophe est un esprit qui pense sans trêve contre lui-même.

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Yahvé est une mère juive affublée d’une barbe postiche.

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Le style : lancer un mot d’esprit à la mort qui s’approche.

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Le troupeau des heideggériens qui ne sait que bêler l’EEEtre, l’EEEtre, et se laisse reconduire au bercail.

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La bêtise a ceci de particulier qu’elle est toujours satisfaite de son intelligence.

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Partir, c’est mourir un peu ; mais revenir, c’est mourir beaucoup.

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Il est étrange que les hommes aient davantage peur de mourir que de ne pas vivre.

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 « Le langage est le propre de l’homme »… Encore faut-il avoir quelque chose à dire.

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Il y en a qui cherchent un sens à leur vie. Les malheureux ! On a oublié de leur dire qu'elle ne veut que vivre, et rien d’autre.

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Toute mort est un assassinat.

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La virilité est un mythe homosexuel (ce que les femmes ignorent). Et la féminité est un mirage narcissique (ce que les hommes ignorent).

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Ce qu’on appelle le « Temps » désigne en vérité l’évanescence du point de tangence entre l’existence et l’éternité.

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Les mots n’ont pas un sens, ils renvoient à d’autres mots, tissant un texte sans fin à la poursuite du sens innombrable, comme un jeu de miroirs en lequel scintille et fourmille la promesse toujours différée du Savoir.

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Nous cessons d’être des enfants le jour où nous comprenons que personne ne peut plus rien pour nous.

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Comment Wittgenstein peut-il dire qu’il faut taire ce dont tous les hommes parlent ? Veut-il les réduire tous au silence ?

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D’où vient que je sais que, si l’on accordait aux hommes l’immortalité, tous finiraient à la longue  par choisir le suicide ?

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Quand on ne désire rien, il reste toujours à vouloir de l’argent.

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La musique extirpe de son silence le deuil qui vient se lover dans le creux du temps.

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Nous ne voyons le monde qu’à la condition d’imaginer qu’il nous regarde. De ce mirage, le peintre fait un jeu.

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A la contingence, la sagesse des manuels oppose la nécessité. C'est oublier qu’il y a aussi une nécessité de la contingence.

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L’homme : une araignée dévorée par sa propre toile.

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Sous les pavés, le métro ; sous le métro, le boulot ; sous le boulot, le dodo. Quant à la plage, vous pouvez vous la mettre où je pense…

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L’important n’est pas d’avoir de l’argent, mais de savoir ce qu’on veut en faire.

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Tous désirent la richesse. Non pour la richesse elle-même, mais pour le plaisir d’en priver les autres.

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Combien de gens n’ont besoin d’un livre que pour se dispenser de lire les autres !

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Pascal pour disposer à l’athéisme.

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Les joueurs de loto sont semblables aux Lotophages de l’Odyssée : il leur faut un narcotique pour supporter l’existence.

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L'amour : ceux qui en font une histoire sont toujours ceux qui ne le font pas.

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En se bornant à n’être que la gestion des possibles, la politique se crève les yeux. Car l’avenir est toujours impossible.

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Le deuil antique est le deuil d’une absence ; le deuil chrétien est le deuil d’un scandale.

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Remercions Dieu de nous avoir fait la grâce de son inexistence !

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L’éternité ne dure jamais assez longtemps.

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L’Histoire est décevante : pour aller vers le meilleur, elle prend toujours la voie du pire.

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Pour ne pas voir la profondeur de leur nuit, ils ont élevé devant eux un écran de lumière ; et pour refouler l’ennui de leur inébranlable station, ils ont pris le parti de s’agiter follement.

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Le miroir ne montre que le masque sous lequel les autres font connaissance avec « moi ».

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On ne manque que ce qui crève les yeux, et ne saute aux yeux que ce qu’on a pris soin de cacher.

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Je ne suis pas l’héritier du passé : je suis le résident du présent.

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Ressentiment de l’héritier : le Nouveau Testament, qui doit tout à l’Ancien, s’efforce de discréditer les Juifs qui nous l’ont transmis.

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Métaphysique de la vanité : puisque j’ai conscience de mon néant, faisons du moins croire aux autres que je suis quelqu'un.

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Les déments qui professent que tout s’achète n’ont jamais goûté au sel de la terre.

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Nous mourrons toujours de ne pas avoir assez vécu.

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Ce que j’aime dans le langage, c’est que les mots en disent toujours plus que ce qu’on veut leur faire dire.

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On croit qu’il faut charmer pour être charmant. Erreur : il suffit de laisser autrui parler de lui-même en faisant mine de l’écouter.

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Le rasoir du présent incise la trame de l’espace-temps, et ouvre ainsi un regard sur l’éternité.

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Dieu est un flambeur. Il joue aux dés. Il abandonne au hasard des rivières de diamants (souvenir d’une balade en plein soleil sur une côte rocheuse, au bord de l’océan).

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Mon royaume est tout entier du présent.

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L’Idole regarde qui la voit ; l’icône voit qui la regarde.

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Entre deux maux, il faut se battre des deux côtés, car choisir le moindre, c’est toujours prendre le chemin qui conduit au pire.

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Nous ne voulons pas vivre plus longtemps, nous voulons vivre davantage.

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Je rêve d’un Paradis qui n’aurait pas besoin d’un enfer.

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Le capitalisme n’est plus aujourd’hui qu’un capitulisme.

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Ce qui s'achète est sans valeur, et ce qui n’est pas à vendre n'a pas de prix.

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Il n’y a rien dans le ciel qui ne soit déjà sur la terre.

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Dieu est grand et le Moi est son prophète. Et le Moi l’est encore davantage quand Dieu est mort.

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Assez de ces métaphysiques de l’Appel et du Respons, de l’ad-vocation et de la vocation ! Ces exaltés n’ont pas compris qu’il n’y a personne au bout du fil.

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Nous savons de l’Etre ce que le nageur sait de la vague et le bateau de l’océan.

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L’amour court à la mort tel le fleuve à la mer.

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Le retrait du divin met le monde à nu.

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Le néolibéralisme est la démence sénile du capitalisme.

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Il faut aimer le sens littéral.

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On ne surfe jamais deux fois la même vague.

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Notre Univers est un crime parfait : l’auteur n’a pas laissé de trace.

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La merveille des merveilles : qu’il y a quelque chose et non pas plutôt rien. Et la merveille de cette merveille des merveilles : qu’il y a, logé dans la merveille des merveilles, un vivant pour penser qu’il y a une merveille des merveilles.

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L’Exister est un phénomène d’émergence.

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 « L’âme est l’idée du corps » : elle est la conscience d’un rayonnement qui s’épanche dans l’ouverture de l’espace-temps.

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L’énergie du vide est la mère de toutes choses.

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Le Temps est une explosante-fixe, la lente et silencieuse déflagration du monde comme de nous-mêmes.

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L’orchestre symphonique de l’Univers interprète un concerto pour vivant solo et rayonnement d’une énergie diffuse qui nous parle du fond des âges.

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Il y a un Hiroshima en chacun des atomes de la matière.

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Le Vide est plein de l'essaim vrombissant des possibles.

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Les instants passent, le présent demeure.

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La mort même est une raison de vivre.

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L’argent ne fait sans doute pas le bonheur, mais la misère, elle, fait assurément tout le malheur du monde.

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Si la fusée d’un feu d’artifice était douée de conscience, jugerait-elle que son destin est tragique ?

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Ingénuité du marxisme : il postule qu’il n’y a de haine que politique, entre les classes ; il ne sait rien de la haine personnelle que tous les hommes éprouvent invinciblement les uns pour les autres (1).

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Pascal maudissait la libido sciendi (2). Pour ma part, je la bénis, et me méfierais plutôt de la libido credendi.

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Chacun veut n'avoir pour lui seul qu'une mère ; mais toujours l’origine se perd dans l’innombrable.

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Mon dieu, délivrez-nous de ce scepticisme bavard et débonnaire qui, après nous avoir asséné d'interminables platitudes, en vient invariablement à conclure : « Retournons à nos charentaises et somnolons au coin du feu ! »

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On ne peut vivre vraiment sans chercher la vérité.

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La beauté est le sujet du verbe « apparaître ».

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Face, le paon fait la roue ; pile, il découvre son derrière.

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Le meilleur des mondes possibles est celui qui est en mesure d'engendrer par lui-même l'infinité des mondes possibles. Et c'est précisément en ce monde que nous avons la vie, le mouvement et l'être.

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Mon cadavre est l’affaire des autres.

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Les millions d’innocents qu’on assassine veillent sur huit milliards de vivants.

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S’étreindre pour ne pas s’éteindre.

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Je ne tente que ce qui me tente.

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Dieu n’existe pas : il est l’existence elle-même.

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Qui fume hume le fumet de ce qui fut. Nous fumons ce que nous fûmes.

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Les fusillés, on leur bande les yeux : non pour qu’ils ne voient pas ceux qui les assassinent, mais pour que ceux qui les assassinent ne voient pas leur regard.

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Qu’est-ce aujourd’hui qu’une « légende » ? C’est ce qui se vend bien.

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Il y a des jours où la lame de l’angoisse se glisse entre les pages du Livre de Mémoire.

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Ce ne sont pas les ténèbres qui nous aveuglent, c’est l’excès de la lumière.

 

 

 

NOTES

1- « Tous les hommes se haïssent naturellement l'un l'autre. On s'est servi comme on a pu de la concupiscence pour la faire servir au bien public. Mais ce n'est que feindre et une fausse image de la charité, car au fond ce n'est que haine », Pascal, Pensées, L 210.

2- « Libido sentiendi, libido sciendi, libido dominandi. Malheureuse la terre de malédiction que ces trois fleuves de feu embrasent plutôt qu'ils n'arrosent », Pascal, Pensées, L 545.