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Jacques Darriulat

 

INTRODUCTION A LA PHILOSOPHIE ESTHETIQUE

 

 

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Mis en ligne le 29 octobre 2007 (relu et corrigé le 7-4-13).


Marsile Ficin (1433-1499)

            Bibliographie
            Œuvres de Marsile Ficin : Théologie platonicienne. De l’immortalité de l’âme, texte établi et traduit par Raymond Marcel, Paris, Les Belles Lettres, t. I (Livres I-VIII), 1964 ; t. II (Livres IX-XIV), 1964 ; t. III (Livres XV-XVIII), 1970. Commentaire sur le Banquet de Platon, présenté et traduit par R. Marcel, Paris, Les Belles Lettres, 1956 [1978]. Les trois Livres de la vie, texte établi par Thierry Gonthier, traduction de Lefèvre de la Boderie, Fayard, « Corpus », 2000. Métaphysique de la lumière (comprend De Raptu Pauli, Orphica Comparatio Solis ad Deum, De Sole et De Lumine), trad. et notes de Julie Reynaud et Sébastien Galland, éditions de L'Act Mem, "La Bibliothèque volante", Chambéry, 2008. Lettres, préfacées, traduites et annotées par Julie Reynaud et Sébastien Galland, Paris, Vrin, 2010 .
            Essais critiques
            R. Marcel, Marsile Ficin (1433-1499), Paris, Les Belles Lettres, 1958 (biographie). André Chastel, Marsile Ficin et l’art, Genève, Droz, 1954 [1975, 1996]. Paul Oskar Kristeller, Huit philosophes de la Renaissance italienne, trad. Anne Denis, Genève, Droz, 1975 ; chap. III : « Marsile Ficin ». Eugenio Garin, Moyen Age et Renaissance, Paris, Gallimard, « Tel », Paris, 1989 [1969], « Images et symboles chez Marsile Ficin », p. 218-234. André-Jean Festugière, La philosophie de l'amour chez Marsile Ficin et son influence sur la littérature française au XVIe siècle, Paris, Vrin, 1980 [1941].

***

            Marsile Ficin est né en 1433 à Figline, près de Florence. Il fait ses études à Florence où il étudie les « humanités », puis la philosophie et la médecine. Fils du médecin de Cosme l’Ancien, médecin lui-même, il a commencé par traduire Lucrèce et conservera sa vie durant des traces d’épicurisme. Il avait une connaissance assez poussée de l’astrologie (médecine et astrologie sont en effet liées à l’époque : Les trois livres de la vie montrent longuement comment les remèdes ne sont véritablement actifs qu’à la condition d’être pris sous l’ascendance de l’astre favorable à l’organe lésé).
            Excellente connaissance du latin et du grec (il se met à l’étude du grec autour de 1454). Animateur de l’Académie platonicienne fondée par Cosme l’Ancien (sur la proposition de Gémiste Pléthon, 1355-1450, philosophe et humaniste byzantin venu à Florence lors du concile de 1439 ; platonicien fanatique, il annonçait la fin de l’imposture religieuse de Moïse, du Christ et de Mahomet, et le retour prochain des dieux de la Grèce classique). En 1462, Cosme l’Ancien lui donne une villa à Careggi, dans les environs de Florence, et met à sa disposition plusieurs manuscrits grecs. 1462 est la date communément considérée comme celle de la fondation de l’Académie platonicienne (en fait un cercle d’amis choisis, qui se réunissent de façon plutôt informelle). Cette Académie est l’ancêtre des Académies qui se multiplieront en Italie au cours du XVIe siècle, et au XVIIe siècle en France et dans tous les pays d’Europe. L’Académie sera pour les artistes l’instrument de l’ennoblissement de leur condition, le titre d’académicien les faisant passer de l’art mécanique aux arts libéraux, et les affranchissant par là même de la tutelle des corporations. En 1463, Ficin achève la traduction des écrits hermétiques, et entame ensuite celle des dialogues de Platon, qu’il termine avant 1469. C’est la première traduction complète de Platon en latin (le moyen âge n’avait pu lire de Platon que trois dialogues : le Timée, le Phédon et le Ménon) (1). En 1469 il rédige son Commentaire du Banquet (In convivium Platonis sive De Amore), et de 1469 à 1474, la Théologie platonicienne (Theologia platonica sive de Immortalitate animorum), sa principale œuvre philosophique. Il est ordonné prêtre le 18 décembre 1473 (il n’embrasse qu’assez tard le sacerdoce — il a quarante ans — et n’aura jamais de charges ecclésiastiques importantes, se consacrant entièrement à sa chère Académie). En 1474, tout juste après son ordination, il compose le De christiana religione, qui a trait à l’enseignement religieux. Après 1484, Ficin consacre plusieurs années à la traduction et au commentaire de Plotin, publiés en 1492. En 1489, il publie un ouvrage d’astrologie et de médecine : Les trois livres de la vie (la traduction de Le Fèvre de la Boderie a été publiée, en septembre 2000, chez Fayard dans la collection « Corpus »). Dans sa dédicace à Laurent, il dit lui-même qu’après le livre de l’âme (la Théologie platonicienne), il a entrepris d’écrire le livre du corps (2). Après l’expulsion de Pierre de Médicis en 1494, compromis, il se retire à la campagne. Il meurt en 1499, un an après Savonarole ; d’abord séduit, il s’éloignera vite du réformateur et rédigera un discours anti-savonarolien juste avant de mourir (3). Savonarole sera par ailleurs sévère pour le syncrétisme pagano-chrétien du sage de Careggi, et lancera en chaire : « Platon enseigne l’arrogance et Aristote l’impiété » (Chastel, Marsile Ficin et l’art, p. 14).
            Les autorités qu’il invoque le plus volontiers : Hermès Trismégiste, Zoroastre (Oracles chaldaïques, texte en vérité composé au IIe siècle AC et rassemblés au XIe siècle par le néoplatonicien Michel Psellos. Gémisthe Pléthon en apporte un manuscrit en Italie à l’occasion du concile de Florence en 1439), Hymnes d’Orphée (textes mystiques de l’époque alexandrine ; Ficin fait ainsi grand cas des Argonautiques, imitées d’Apollonios de Rhodes, qu’on rapporte aujourd’hui par conjecture au IVe siècle), Pythagore (d’après sa vie par Jamblique), Philostrate, auteur du roman alexandrin, qui exerce alors une grande fascination, Apollonius de Tyane. Donc de nombreux écrits que nous considérons aujourd’hui comme apocryphes. Mais son maître est surtout le “divin” Platon, et Plotin qu’il connaît et traduit également, ainsi que Proclus et Jamblique, des néoplatoniciens de l’Antiquité tardive. Il place Platon bien plus haut qu’Aristote, se démarquant ainsi de toute une tradition de la philosophie médiévale. Il se situe explicitement dans la lignée du platonisme chrétien, Boèce, Denys l’Aréopagite, saint Augustin (mais il cite aussi saint Thomas, la Somme contre les Gentils, dans la Théologie platonicienne), Avicenne. Parmi les contemporains : le cardinal Bessarion (qui conduisait la défense de Platon contre le libelle furieux de Georges de Trébizonde qui avait affirmé la supériorité d’Aristote sur Platon) et Nicolas de Cues (4).
            Son œuvre maîtresse : la Théologie platonicienne, une somme dans l’esprit du moyen âge sur l’immortalité de l’âme. Le Commentaire sur le Banquet, qui exercera une profonde influence sur son temps et définira les grands thèmes de l’amour platonique (compte-rendu plutôt imaginaire d’une séance de l’Académie à l’occasion de la date anniversaire du “divin” Platon, le 7 novembre). Une œuvre beaucoup plus matérialiste, qui traite à la fois d’astrologie et de médecine : Le Livre de la Vie (première édition à Florence en 1489).
            Suivant l’ordre de la dialectique ascensionnelle de Ficin, nous étudierons en premier lieu sa cosmologie (monde visible), puis la théorie de l’âme (monde intelligible) pour penser enfin l’élan qui la motive vers Dieu, à savoir l’Amour.

           Le monde visible
            Sa cosmologie : un univers hiérarchisé, qui doit beaucoup au moyen âge et à Dante. Système géocentrique (bien que Ficin professe, avec son temps, une véritable adoration pour le soleil, image visible de la divinité invisible) (5) dans lequel les dix ciels se succèdent selon un ordre de spiritualité croissante, la matière céleste étant immortelle, le mouvement se raréfiant progressivement jusqu’à s’annuler avec la sphère des fixes, la lumière étant de plus en plus étincelante et devenant infinie dans l’Empyrée, lieu propre du feu céleste. Univers mystique qui s’élève par degrés jusqu”au divin. Dieu pénètre ainsi l’univers qui est une émanation de son acte créateur : Théologie, II, 6 : « Deus est ubique ». On retrouve ainsi chez Ficin la formule très ancienne, et reprise par l’hermétisme platonicien de la Renaissance, selon laquelle tout l’univers visible est une sphère dont la circonférence est nulle part et le centre partout (6). L’amour cosmique est la force qui fait se mouvoir les sphères, chacune d’entre elles désirant s’unir à l’être plus parfait qui lui est supérieur d’un degré (l’imitation étant ainsi un amour indéfiniment inassouvi). Ficin est en ce point conforme à la cosmologie dantesque. On se souvient en effet que les trois chants de l’Enfer, du Purgatoire et du Paradis se terminent sur le même vers : L’amor che move il sole et l’altre stelle, « L’amour qui meut le soleil et les autres étoiles ». Cet univers mu par l’amour est donc doué d’une âme (tout mouvement suppose une âme comme son principe moteur), cette âme du monde que Ficin emprunte au Platon du Timée, mais aussi à Plotin (7). L’univers est donc vivant, animé d’une vie universelle qui préside à la croissance de toutes choses, et à leur régénération. Certains passages de la Théologie platonicienne font songer à l’éloge de Vénus qui ouvre le poème de Lucrèce (par ex. le début du livre IV sur l’influx vital et la vertu générative qui fécondent le corps femelle de la Terre).
            L’univers tel que nous le décrit Ficin est gouverné par la ressemblance et par la sympathie. La ressemblance : les choses se font écho au sein du visible, et entre le visible et l’intelligible. L’analogie de forme vaut pour une équivalence des fonctions (8). On peut dire que chez Ficin la métaphore et l’analogie valent démonstration. C’est ainsi que l’argent contient quelque vertu de la lune, et l’or du soleil, et attirent les forces occultes de ces planètes ; ou bien encore les quatre humeurs qui composent l’esprit sont semblables aux quatre saisons et aux quatre éléments de la matière. La sympathie : sympathie et affinité font l’unité de la multiplicité sensible, la concordia discors de l’univers visible. Rien n’est isolé dans l’univers, tout s’interpénètre et se mêle, tout se réfléchit en un jeu de miroirs sans fin. C’est ainsi qu’une harpe, en sonnant, fait résonner une harpe placée à côté d’elle (9). L'Amour, qui règne sur le monde, détermine l'attraction des semblables par affinité naturelle. C'est là ce que Ficin nomme la « magie » de la nature et de l'univers : toute magie est en effet sympathique dans la mesure où son efficacité repose sur la réciprocité occulte des créatures entre elles (Comm. sur le Banquet, VI, 10). C’est ainsi que les astres émettent des effluves qui agissent sur le corps et l’esprit des hommes, à la façon dont la femme enceinte imprime l’image de son « envie » sur le corps du fœtus. L’astrologie est la science des sympathies célestes. La beauté elle-même, qui naît de la symétrie, de l’harmonie et de la correspondance parfaite des parties dans le tout, est l’image d’un cosmos organisé dans lequel aucun élément ne peut être considéré isolément mais seulement dans son rapport harmonique avec l’ensemble. Le parfait accord de la beauté avec elle-même n’est donc que l’image de l’harmonie cosmique en laquelle se réfléchit la gloire du créateur. Et la beauté de l’univers provient des parfaites proportions qui le composent, selon les lois de la consonantia et de la concordia discors : d’où l’analogie pythagoricienne, souvent reprise par Ficin, entre le cosmos et une partition de musique. L’harmonie musicale ne nous paraît belle que parce qu’elle recrée pour nos oreilles la musique divine des sphères de l’univers (10). C’est ainsi qu’une image ressemblante peut avoir une action efficace par sympathie sur l’objet dont elle est l’image (11). D’où l’importance fondamentale accordée au sens de la vue, le plus apte à saisir les ressemblances (la vue étant une réception matérielle de simulacres, selon une théorie proche de celle d’Épicure et de Lucrèce). L’œil est en effet une image, dans le microcosme, du soleil, le plus lumineux de tous les astres dans le macrocosme. Ainsi l’objet de la vision a une action efficace sur le sujet voyant : par exemple, il suffira d’un regard d’un pestiféré pour prendre la peste, ou bien encore du seul regard d’une belle personne pour que l’amour s’inflitre par les yeux et s’insinue jusqu’au cœur. La Beauté est fascinante et l’amour est ainsi une sorte d’ensorcellement transmis par les effluves ou les influx qui émanent du regard tourné vers nous de la belle figure qui éveille en nous le désir de l’éternité (sur le mécanisme de la magie visuelle de l’amour, voir le curieux chap 4 du septième discours du Comm sur le Banquet, p. 246 sq).
            Dans l’univers visible, ce qui s’approche le plus de la substance toute intelligible de l’âme est la lumière dont Ficin pose en principe que sa vitesse est infinie : « Le feu, qui de tous les éléments se rapproche le plus de la nature spirituelle en raison de sa subtilité [...] devient aussi capable d’engendrer la lumière, qui est incorporelle et dont l’action se produit en un instant. » (Théologie, I, 2, p. 41). Ce qui vient renforcer l’analogie entre la lumière et l’intelligence, qui est la cime de l’âme (acies animae) : l’intelligence en effet connaît la vérité par une illumination soudaine (l’exaiphnês de Platon, Lettre VII, 341 cd ; commenté par Ficin dans Theologia, VIII, 3 ; t. I p. 297) et non par le développement du syllogisme. La beauté, qui est le signe d’une sympathie du sensible avec l’intelligible, est source de lumière et de splendeur (on trouve déjà ce thème chez saint Augustin et saint Thomas) (12). « La lumière est une sorte de divinité, reproduisant dans le temple de ce monde la ressemblance avec Dieu. La lumière qui se répand sur toutes les créatures de Dieu est une certaine splendeur de la clarté divine. » (Liber de lumine cité par Chastel, Marsile Ficin et l’art, p. 92). Reprenant une opposition qu’il a lue dans le Banquet, Ficin incarne la beauté du monde visible dans la figure de la Vénus terrestre et la beauté du monde intelligible dans celle de la Vénus céleste (Comm. Banquet , II, 7, p. 154). La beauté de l’univers, qu’une longue habitude nous dissimule, proclame la grandeur du créateur : « Une longue habitude amoindrit l’admiration. Si tes parents t’avaient élevé depuis ton jeune âge dans une maison fermée de tous côtés, de sorte que tu n’aurais pas vu cette admirable beauté de l’univers avant la trentième année et si, ouvrant alors la maison, ils te l’avaient montrée tout à coup, tu aurais sans doute admiré ce nouveau spectacle à tel point que, indécis auparavant, tu n’aurais jamais pu douter désormais que toutes choses sont crées et gouvernées par la providence d’un unique et très habile ouvrier. » (Theologia, II, 12, p.124).

           L'ascension de l'âme
            A cette hiérarchie de l’univers matériel et visible correspond une hiérarchie de l’univers spirituel et invisible. Dans la Théologie platonicienne, Ficin distingue cinq substances fondamentales : Le corps(défini par la quantité, c'est-à-dire par l’étendue ; voir Theologia, VI, 8 : « Un corps par nature est étendu ») ; la qualité (le chaud, le froid, le brillant et le terne, l’humide et le sec, etc.) ; l'âme (qui est capable par la conscience d’elle-même de s’abstraire du corps, mais qui ne peut exister que dans sa liaison à un corps. Le « connais-toi toi-même » est en effet la vertu propre de l’âme, comme Socrate fut le premier à le reconnaître. Ce retour sur soi marque selon Ficin l’excellence du cercle, conscience de soi dans le monde intelligible ou orbite des planètes dans le monde sensible) ; l'ange (une âme déliée de tout corps mais dont la connaissance reste finie, enfin Dieu (l’esprit infini et omniscient). L’âme humaine, trait d’union entre le corps matériel et l’esprit divin, est ainsi vincula ou copula mundi (Theologia , III, 2). L’homme est placé au milieu des extrêmes : il peut déchoir vers la bête (qui est l’âme ensevelie dans la matière) ou s’élever vers l’ange (qui est l’âme affranchie du corps). L’homme, ou plutôt l’âme humaine, est ainsi le plus grand miracle de la nature (Theologia, III, 2 ; t. I p. 141 et 142 : « L’âme humaine [que Ficin nomme “tierce essence” d’après Timée 35 a] (13) est le plus grand miracle de la nature, maximum est in natura miraculum [...] si bien qu’on peut l’appeler justement le centre de la nature, le milieu de toutes choses, l’enchaînement de l’univers, le visage de toutes choses, le nœud et le lien de l’univers. ». On retrouve ici le souvenir de l’Asclépius, ou traité XIV du Corpus hermeticum (l’Asclépius est le seul des traités du Corpus connu par le moyen âge ; Augustin le cite longuement dans la Cité de Dieu, VIII, 23-27 : « C’est donc, ô Asclépius, une grande merveille (magnum miraculum) que l’homme, un animal digne de respect et d’adoration. Car il passe dans la nature divine, comme si lui-même était Dieu... » (Asclépius, § 2). Miracle, puisque c’est avec l’âme humaine que le matériel se sublime dans le spirituel et qu’une ouverture est pratiquée, dans la création, vers la connaissance du divin. C’est pourquoi l’homme, c'est-à-dire l’âme humaine, est revêtu d’une dignité particulière au sein de l’univers : c’est à lui qu’il appartient de s’arracher au sensible et de s’élever vers l’intelligible. Les anges habitent le règne du spirituel, comme les bêtes habitent le règne du matériel. L’homme seul s’élève sur la frontière, et lui seul est susceptible de s’arracher à l’un pour s’élever à l’autre. C’est cette dignité de l’âme humaine qui lui confère l’immortalité. Le sous titre de la Théologie platonicienne est : De l’immortalité de l’âme.
            L’âme humaine est inquiète et sujette à la mélancolie, le tourment dont l’objet est indéfinissable et qui s’abat sur les hommes de génie (Aristote, Problemata 30) (14). Sur la mélancolie, on lira les chap 3 à 7 du livre I du Livre de la vie. Tant qu’elle se tourne vers le monde, l’âme ne rencontre jamais l’objet de son amour. Elle ne peut trouver le repos qu’en se convertissant en son intériorité, en se tournant vers sa vraie patrie, le monde intelligible de l’ange et de Dieu. L’âme est douée de volonté, par quoi elle désire l’objet de son amour, et d'intelligence, par quoi elle est susceptible de le voir, par une connaissance immédiate et intuitive. Une telle révélation est pour les hommes rare et de courte durée (Aristote, Nic. X), mais non pas impossible. Seule la vision de Dieu peut apaiser le trouble de la mélancolie.
            La connaissance intuitive reste supérieure aux yeux de Ficin à la démonstration logique. Pour cette pensée toujours visuelle et métaphorique, connaître, c’est apercevoir une image plutôt que développer une proposition. Ce qui explique la fascination qu’exercent sur Ficin les hiéroglyphes égyptiens. Ficin les connaissait par les Hieroglyphica d’Horapollon, qu’on prenait alors pour une révélation tenue secrète d’un prêtre de l’ancienne Égypte. Ce texte, rapporté à Florence en 1419 par le prêtre Cristoforo de Buondelmonti, est beaucoup moins ancien qu’on le croyait puisqu’il est l’œuvre d’un alexandrin obscur du IIe au IVe siècle AC. L’édition d’Alde Manuce en 1505 aura un si grand succès que pendant toute l’époque classique le symbolisme d’Horapollon aura une influence fallacieuse sur l’interprétation des anciens hiéroglyphes. Le hiéroglype est pour Ficin une idée faite image, qui substitue au cheminement laborieux du syllogisme la vue directe de l’idea : « Les prêtres égyptiens, pour signifier les objets divins, n’employaient pas de lettres, mais des figures complètes de plantes, d’arbres et d’animaux, car Dieu a sans aucun doute une connaissance des choses qui n’est pas une pensée complexe et discursive, mais en quelque sorte leur forme simple et directe. Votre pesée du temps par exemple est multiple et mobile, elle saisit le fait qu’il s’écoule et que par une sorte de révolution, il rattache le commencement à la fin : il produit une infinité de choses et les détruit tour à tour. Les Égyptiens embrassaient tout ce discours en une seule image, où était représenté un serpent ailé qui tient sa queue dans sa gueule. D’autres objets sont représentés par d’autres images analogues, que décrit Horus. » (lettre citée par Chastel, Marsile Ficin et l’art, p. 82) (15). L’idée vient de Plotin qui remarquait que les mythes ne peuvent représenter la pensée du divin qu’en les déployant selon le fil temporel d’un récit. Plus précisément, Plotin reconnaissait dans les hiéroglyphes de l’Égypte ancienne le vestige d’une connaissance qui se faisait par images (agalmata) et non par propositions (axiomata) : cinquième Énnéade, VIII (« De la beauté intelligible »), 5 et 6 : « Les Sages de l’Égypte n’usent pas de lettres dessinées, qui se développent en discours et en propositions et qui représentent des sons et des paroles ; ils dessinent des images, dont chacune est celle d’une chose distincte ; ils les gravent dans les temples pour désigner tous les détails de cette chose ; chaque signe gravé est donc une science, une sagesse, une chose réelle, et non une suite de pensée comme un raisonnement ou une délibération. » Plotin pense sans doute au célèbre texte des Lois (II, 656 d-e) où Platon fait l’éloge de l’art égyptien. L’enthousiasme de la Renaissance pour le symbolisme supposé des hiéroglyphes est à l’origine de la mode des énigmes, emblèmes ou autres imprese. Le Songe de Polyphile, par Francesco Colonna, publié à Venise en 1499, roman à la mode qui eut une grande influence au début du XVIe siècle, témoigne jusqu’à la caricature de ce goût pour l’allégorie et l’occulte.
            Cette vision fait la joie de la vie contemplative et nous donne comme un avant goût de la vie des bienheureux qui sont en Paradis. Selon le symbolisme de l’époque, la vie contemplative est en effet supérieure à la vie pratique, comme Rachel est supérieure à Léa. L’intelligence selon Ficin est ainsi surtout une faculté intuitive et amoureuse, plutôt que déductive et logique. La morale ficinienne est tout orientée vers l’élévation à cette vie contemplative, et se soucie fort peu de l’éthique (les relations des hommes entre eux, d’individu à individu) ni du politique (les relations des citoyens au sein d’un État qui les rassemble organiquement).
            A la charnière du monde sensible et du monde intelligible, l’âme humaine (anima) se dédouble elle-même en intelligence (mens) et esprit (animus) : l’intelligence est la faculté spéculative qui permet d’accèder à la vision de l’intelligible ; l’esprit, plus matériel et plus étroitement lié au corps, est le tempérament des quatre humeurs qui composent le caractère, ou « complexion », propre à chacun.

            La philosophie de l'amour
            Toute la philosophie de Ficin peut être ainsi comprise comme une philosophie de l’amour. Le Platon qu’il lit le plus volontiers est celui du Banquet et du Phèdre, qu’il croise avec la théorie aristotélicienne de l’amitié (Nic. VIII et IX) (16) et le De Amicitia de Cicéron, tout de même qu’avec les épîtres célèbres de Paul sur la charité. L’âme, par la volonté mais aussi par l’intelligence (car seul l’amour peut m’élever vers la vision de Dieu, et l’intelligence sans amour est impuissante à connaître) est tout entière mue par l’amour. L’univers matériel est lui aussi, comme nous l’avons déjà dit, entièrement mu par l’amour. L’amour est la puissance génératrice qui organise le monde et fait naître la forme du sein du chaos originel (Comm Banquet, premier discours, chap 3). L’amour est encore la puissance attractive qui rassemble dans l’unité de l’âme du monde les diverses parties qui composent l’univers : il est le principe divin de l’unité. Tout amour humain est ainsi comme l’ombre portée dans le monde sensible de l’amour divin, et la beauté de l’objet de l’amour comme le pressentiment de l’ineffable beauté divine. C’est ainsi que les amants ne savent pas ce qu’en réalité ils désirent : poursuivant l’objet de leur amour, c’est en effet Dieu lui-même qu’ils désirent contempler : « Il s’ensuit que le désir de l’amant n’est apaisé  ni par la vue, ni par le toucher d’un corps quel qu’il soit. Il ne désire pas tel ou tel corps, mais la splendeur de la majesté divine qui se refète dans les corps, et c’est cela qu’il admire, qu’il désire et qui le laisse interdit. C’est la raison pour laquelle les amants ignorent ce qu’ils désirent ou ce qu’ils cherchent, car ils ne savent pas ce qu’est Dieu, dont la saveur cachée a répandu dans ses œuvres un parfum très doux. C’est ce parfum qui chaque jour nous excite. » (Comm Banquet, II, 6, p. 152). Et Ficin emprunte à Plotin l’image de Narcisse, qui meurt pour s’être noyée dans l’idole sensible de son amour, incapable de discerner au-delà de cette image-écran l’objet véritable de son amour, à savoir Dieu son créateur (Comm Banquet, VI, 17, p. 235 ; Plotin, I, VI, 8 et V, VIII, 2) (17). L’amour est ainsi naissance au monde spirituel et mort au monde matériel, mort à soi-même et oubli et perte de soi en l’autre : « Platon appelle l’amour une chose amère (Amorem Plato rem amaram vocat). C’est juste, car celui qui aime meurt. Orphée lui-même le nomme le doux amer (glukupikron), parce que l’amour est une mort volontaire [...] On dit que celui qui aime meurt, parce que sa pensée, oublieuse d’elle-même, ne pense plus qu’à celui qu’il aime [...] L’âme de l’amant n’est pas en elle-même. Si elle n’est pas en elle-même, elle ne vit pas non plus en elle-même et ce qui ne vit pas est mort. Voilà pourquoi quiconque aime est mort à lui-même (in se mortuus est quicumque amat). Mais vit-il au moins dans un autre? Assurément. » (Comm Banquet, II, 8, p. 156) (18). Ainsi, si l’acte propre de l’intelligence est de se détourner des choses sensibles et de rentrer en elle-même, cette conversion dans l’intériorité est moins conscience de soi que découverte de l’ivresse, puisque l’âme découvrant le divin qui est en elle est comme arrachée à elle-même par l’extase amoureuse. C’est seulement dans l’intériorité que la transcendance se fait jour. L’amour de Dieu est ainsi la vérité de tout amour. Toute amitié n’est possible qu’en Dieu, et ceux qui s’aiment s’aiment par le sentiment qu’ils ont en commun de la divinité. L’Académie devait ainsi rassembler des amis en esprit, qui devaient, selon la théorie de Diotime, inspirés et fécondés par l’amour, produire beaucoup de beaux discours. Dans cette exaltation de l’ivresse amoureuse, on trouve le souvenir de la tradition médiévale de l’amour courtois, de Dante mais aussi du Pétrarque du Canzoniere.
            L’amour, qui est en l’âme le désir passionné de s’élever jusqu’au divin, est aussi le motif véritable de toute connaissance. Dans le Commentaire sur le Banquet, Ficin reprend la distinction faite par Platon dans le Phèdre (249 sq) entre les quatre sortes de délires, genres multiples de l’ivresse amoureuse : le délire amoureux selon la Vénus terrestre ; le délire poétique selon les Muses ; le délire mystique selon Dionysos et le délire prophétique selon Apollon (VII, 14, p. 258). Le premier arrache l’âme à elle-même et lui apprend à mourir ; le second l’éveille à la consonance et à l’harmonie qui président à la disposition du cosmos ; le troisième est une purification qui s’abstrait du sensible en considérant non la multiple splendeur qui est en l’univers, mais le principe de son unité ; le quatrième enfin s’élève à la vision de l’Unité même, par l’intelligence (mens) qui est le sommet de l’âme. « Enfin, lorsque l’âme est devenue une, une dis-je, ce qui est dans la nature et même dans l’essence de l’âme, il ne lui reste qu’à revenir immédiatement vers l’Un qui est au-dessus de l’essence, c'est-à-dire vers Dieu. C’est la Vénus céleste qui accomplit cette tâche par l’intermédiaire de l’Amour, c'est-à-dire par le désir de la beauté divine et la soif du Bien (ardor boni) » (ibid. 259). L’amour étant ainsi au principe comme à la fin de l’ascension de l’âme, Ficin peut conclure que « de tous les délires, le plus puissant et le plus éminent est le délire amoureux. » (VII, 15, p. 260). L’amour est l’unique ressort de l’inspiration qui transporte les poètes et les artistes, le furor divinus.

            Ficin se pensait sincèrement chrétien, et ne soupçonnait pas qu’on puisse taxer d’hérésie ce curieux mélange de paganisme et de christianisme. Il était convaincu que les plus sages parmi les païens, et particulièrement Platon, avaient pressenti la révélation chrétienne, et qu’une seule et même idée de Dieu inspire toutes les philosophies et même toutes les religions (c’est ainsi que l’hermétisme égyptien — ou du moins ce qu’il croyait tel — n’était pas contradictoire à ses yeux avec les livres de Moïse). Il croit même que Platon avait reçu de la divine providence la mission de faire renaître du sein même de la philosophie la vraie religion, et de préparer ainsi la voie à l’avènement du christianisme. Le néoplatonisme médicéen substitue ainsi, à l'Aristote de la scolastique médiévale, Platon pour disposer au christianisme. Il existe donc une harmonie secrète entre la sagesse juive (Moïse), la philosophie des païens grecs (Platon et Orphée), égyptiens (Hermès Trismégiste) ou perses (Zoroastre) et l’enseignement du Christ. L’érudition renaissante ambitionnait ainsi de restaurer une religion universelle (ce qu’on nommera plus tard, surtout au XVIIIe siècle, la « religion naturelle » ; Ficin lui-même parle de religio communis naturalisque : Chastel, Marsile Ficin et l’art, p. 170) dont l’ultime vérité aurait été apportée par la révélation chrétienne. Malgré cet unanimisme, une ambiguïté traverse pourtant son œuvre, entre le matérialisme médical et astrologique du Livre de la vie (pour lequel il a risqué encourir une condamnation de l’Église) et le spiritualisme mystique de la Théologie platonicienne. L’éloge de l’amour est toujours chez Ficin ambivalent, oscillant entre la sensualité de la beauté et la pure spiritualité d’une contemplation mystique. Cette ambivalence, de la part d’un penseur qui fut d’abord épicurien et commentateur de Lucrèce avant de se tourner vers Platon et saint Augustin, se retrouve dans toute sa philosophie. C’est ainsi que l’âme est à la fois intelligence, faculté toute spirituelle douée du pouvoir de voir l’intelligible et de se détourner de la sensation, et esprit, que le Livre de la vie dit être « une vapeur et fumée du sang pur, subtil, chaud et luisant » (Fayard 27), équilibre plus ou moins tempéré des quatre humeurs qui le composent, la mélancolique, la flegmatique, la sanguine et la colérique. De même dans Le Livre de la vie, Ficin développe longuement l’efficacité des images en relation avec les influences astrales, tout en proclamant ne pas y croire, par crainte d’être accusé de pratiques magiques.
            L’influence du platonisme ficinien s’est faite fortement sentir en Italie pendant tout le XVIe siècle, mais également dans les pays du nord (ses traités médicaux et astrologique ont profondément influencé Paracelse qui est, en Allemagne, à l’origine de toute une tradition philosophique) et en France, où les cercles humanistes de Marguerite de Navarre, sœur de François 1er, jouent un rôle essentiel dans la diffusion de l’humanisme (19). Érasme connaissait bien l’œuvre de Ficin, et jusqu'à Kepler (mais non Galilée), au début du XVIIe siècle, son influence reste sensible.

 

NOTES


1- Introduction de Marcel Raymond au Comentaire sur le Banquet, p. 108.

2- Fayard, « Corpus », p. 21.

3- André Chastel, Fables, formes, figures, Flammarion, 1978, I, p. 195-197.

4- On a souvent souligné l’influence du Cusain sur le néoplatonisme de Ficin (et plus encore sur l’humanisme de Pic). En vérité, la Docta Ignorantia est méconnue en Italie avant l’édition milanaise de 1502, comme l’a bien montré Edgar Wind dans ses Mystères païens de la Renaissance, Paris, Gallimard, 1980, p. 259-260.

5- Par exemple Comm Banquet, deuxième discours, chap 3 (p. 146) : « Denys avait raison de comparer Dieu au soleil ».

6-Theologia, XVIII, 3, t. III, p. 191 : « Dieu est donc le centre de tout, parce qu’il est en tout de telle manière qu’il est plus intime à chaque être que chaqeu être ne l’est à lui-même. Il est aussi la circonférence de l’univers, parce qu’existant en dehors de tout [...] Qu’est-ce donc que dieu? C’est pour ainsi dire un cercle spirituel dont le centre est partout, la circonférence nulle part. » L’origine de cette image se trouve dans la Cinquième Ennéade de Plotin (II, 2) ; on la retrouve chez Nicolas de Cues, Docta Ignorantia, II, 12, éd. Gandillac des Œuvres choisies, p. 134 (mais il s’agit ici non de Dieu mais de la « machine du monde »).

7- Sur l’âme du monde, et la référence à Plotin, voir le Livre de la vie, III, 1.

8- Comm Banquet, deuxième discours, chap 3, p. 148 : « Le cercle du monde visible est l’image de ces cercles invisibles que sont l’intelligence, l’âme et la nature, puisque les corps ne sont en effet que les ombres et les traces (vestigia) des intelligences. »

9- Le Livre de la vie, III, 17, Fayard p. 204.

10- Sur ce thème fondamental au XVe et XVIe siècles de la concordia discors, on verra aussi Pic de la Mirandole, Commento sur un poème de Girolamo Benivieni, II, 8 (éd. Stéphane Toussaint, 1989, p. 115), avec la référence à Héraclite, Homère et Empédocle.

11- Le Livre de la vie, III, 13 : « De la vertu des images selon les Antiques ». Également les chapitres 18 et 20, et surtout le chapitre 16 traduit en appendice chez Fayard : « De la puissance du ciel. Des forces des rayons d’où l’on pense que les images tirent leur force ».

12- Chastel, Marsile Ficin et l’art, p. 91-93 : « L’universelle volupté et la lumière ». Sur le thème de la lumière au Moyen Age, on lira E. de Bruyne, Études d’esthétique médiévale, tome II, chap 1 : « L’esthétique de la lumière ».

13- « De la substance indivisible et qui se comporte d’une manière invariable et de la substance divisible qui est dans les corps, le démiurge divin a composé entre les deux, en les mélangeant, une troisième sorte de substance intermédiaire comprenant et la nature du Même et la nature de l’Autre. » Il s’agit, dans le texte de Platon, de l’âme du monde, psukhê kosmou, et non de l’âme de l’homme.

14- « Les prêtres des Muses sont mélancoliques ou dès le commencement ou bien le deviennent par étude. Ce que certainement Aristote confirme aux Problèmes. Tous les hommes dit-il, qui ont été excellents en quelque faculté, ont été mélancoliques » (Livre de la vie, I, 5, Fayard p. 31). Sur ce thème voir Klibansky, Panofsky et Saxl, Saturne et la mélancolie, Gallimard.

15- On retrouve une réminiscence de cette pensée de Ficin dans une lettre de Poussin à Chantelou du 5 novembre 1643 (Lettres et propos sur l’art, 1964, p. 82). Voir Les Métaphores du regard, p. 418 n. 415. Edgar Wind, Mystères païens de la Renaissance, , 1982, p. 221 et note 55, critique, à propos de l’écriture hiéroglyphique, cette lecture de Ficin par Chastel : « Quant à l’idée que la philosophie de Ficin enseignait ou supposait “la supériorité de l’intuition visuelle sur la raison discursive”, il n’en est aucune trace dans ses écrits. Ficin plaçait le moyen visuel au-dessous du verbal — un nom sacré étant pour lui plus haut et plus sacré qu’une image sacré » (p. 221, n. 55).

16- Sur l’influence d’Aristote, Nic. VIII et IX sur la pensée de l’amour chez Ficin, voir introd de Marcel Raymond au Commentaire sur le Banquet, p. 107 (lettre du 30 janvier 1477 à Cavalcanti).

17- C’est également à Narcisse que pense Alberti quand, dans le De Pictura, il entreprend de définir, selon la manière des poètes, l’art de la peinture : « L’inventeur de la peinture, selon la formule des poètes, a dû être ce Narcisse qui fut changé en fleur car, s’il est vrai que la peinture est la fleur de tous les arts, alors la fable de Narcisse convient parfaitement à la peinture. La peinture est-elle autre chose que l’art d’embrasser ainsi la surface d’une fontaine? » (De Pictura, II, § 26 ; trad. J.-L. Schefer, Macula, 1992, p. 135).

18- Sur ce thème de l’Amour doux-amer, voir Edgar Wind, Mystères païens de la Renaissance, Paris, Gallimard, 1982, p. 175-176 et notes 31 à 36.

19- A. J. Festugière, La Philosohie de l’amour de Marsile Ficin et son influence sur la littérature française du XVIe siècle, Paris, 1941.